La mort de nos plans conjoints

Lors de ma participation à la série documentaire «La Vie agricole» à MAtv, l’animateur me posait la question à savoir si les producteurs devaient se rapprocher des transformateurs régionaux, j’ai répondu que oui, et que sans ce rapprochement l’on assisterait à la disparition de la production laitière au Québec. L’ouverture de nos frontières est une menace sérieuse pour plusieurs de nos productions, les plans conjoints que les producteurs se sont donnés sont des outils qui peuvent autant nous protéger des menaces découlant de cette ouverture que les amplifier. Le statu quo risque tout simplement d’emporter les plans conjoints et les productions qu’ils gèrent.

Prenons le secteur laitier, l’ouverture des frontières aux ingrédients laitiers, il y a plus d’une décennie et plus récemment les accords avec l’Europe et les États-Unis, ont mis sous pression notre système de gestion de l’offre. Les transformateurs qui sont en compétition avec des importations pour acheter de la matière première ont accès à des classes de prix plus bas pour du lait, le transformateur qui n’est pas en compétition avec l’importation pour ses achats de matières premières paye le même lait dans une classe plus chère.

Ce qui veut dire qu’un transformateur qui veut faire un produit régional avec par exemple du lait avec une appellation Lac-Saint-Jean devra payer son lait dans une classe de prix supérieure (l’on ne peut pas importer du lait du terroir). Si ce même transformateur décide de faire du fromage industriel en tranche, il payera son lait dans une classe inférieure (car l’on peut importer certains ingrédients laitiers de la recette du fromage industriel). Pourtant ce transformateur utilisera dans les deux cas le même lait, des mêmes producteurs. Rien pour encourager à développer des produits de niche que le commerce international peut difficilement compétitionner. Notre système encourage et soutien des produits de commodité pour lesquelles plus les barrières à l’importation s’ouvriront moins nous serons compétitifs,

Un système vicieux qui nous entraine vers le bas

Comme le prix du lait aux producteurs est calculé selon la répartition des volumes vendus dans chacune des classes de lait, plus il se vend de lait dans les classes inférieures plus le prix du lait payé aux producteurs diminue. Comme la gestion de l’offre garantit un prix plancher aux producteurs, si le prix payé au producteur baisse trop il y aura un ajustement du prix du lait à la hausse. Cette hausse sera principalement assumée par les acheteurs des classes supérieures, rien pour encourager à développer des marchés de niche, creusant encore plus la différence entre les prix des classes. Ce système est un cercle vicieux qui nous entraine vers le bas.

Nous sommes dans un pays avec des règles sociales et environnementales, ce qui d’une part nous permet de faire des produits de niche de grande qualité (les Chinois choisissent le lait canadien pour leur bébé), mais nous rend non compétitifs sur les produits de commodité. Notre système de gestion de l’offre devrait être un outil pour développer nos forces et non pas nos faiblesses. La plupart de nos plans conjoints et de systèmes de gestion de l’offre ont été conçus à une époque où l’on pouvait s’isoler des marchés extérieurs. Aujourd’hui ce n’est plus possible de s’isoler, ne pas reformer notre gestion de l’offre, c’est signer sa disparition. De la mettre au service de nos forces, cela va être difficile, mais c’est l’avenir. Plus on attend, plus il sera difficile de se sortir de ce cercle vicieux qu’elle entretient.

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