La vraie controverse de l’acide palmitique

La controverse autour de l’utilisation de l’acide palmitique dans l’alimentation des vaches laitières et de son effet dans la fabrication de certains produits laitiers met en lumière une problématique beaucoup plus grande et plus complexe. Les qualités des produits animaux, viandes, laits et œufs sont en grande partie influencées par la ration que l’on donne aux animaux, c’est bien connu. Cependant lorsque l’on traite le lait, par exemple, comme une grande commodité, et que l’on essaye d’uniformiser les méthodes de production l’on arrive à des pratiques contestables, comme l’utilisation d’huile de palme dans les rations des vaches laitières.

Pourquoi utilise-t-on de l’huile de palme dans les rations de vaches laitières? Les producteurs sont payés par litre de lait, mais aussi pour le contenu en gras et en protéines. Leurs droits de produire, les quotas laitiers, sont d’ailleurs exprimés en kg de gras. Ce qui montre l’importance du contenu en gras pour un producteur, plus il produit un lait riche en gras, plus son lait sera payé cher. Cependant la nutrition des vaches laitières développée au cours des cinquante dernières années, a favorisé des rations riches en grains et sous-produits de l’agroalimentaire (communément appelés concentrés).

Cette façon de faire est avantageuse dans un contexte américain; avec des concentrés facilement disponibles.  L’émergence de nouvelles régions de production laitière, au sud et à l’ouest des États-Unis, où la production fourragère est difficile et couteuse, en grande partie à cause de la nécessité d’irriguer, a fait exploser le développement des techniques d’alimentation des bovins laitiers laissant plus de place à des concentrés au lieu des traditionnels fourrages.

Cette technique a cependant quelques défauts, plus vous augmentez les concentrés de votre ration, plus le pourcentage de gras dans le lait diminue. C’est là que le gras protégé à base d’acide palmitique rentre en jeu. Il a la propriété tout en apportant de l’énergie dans la ration de refaire monter le taux de gras dans le lait, et cela marche terriblement bien, si bien qu’aujourd’hui c’est un outil essentiel lorsque l’on a des rations riches en concentrés.

Il y a cependant un effet sur le lait, les niveaux d’acide gras C-16 augmentent dans le lait, ce n’est pas la seule source de changement dans la composition du lait. Un lait d’une vache nourrie aux concentrés a une composition différente d’un lait issu d’une vache nourrie principalement de fourrage d’herbe.

L’acide palmitique c’est la pointe de l’iceberg.

Ces changements dans la composition du lait affectent la fabrication de beaucoup de produits laitiers tels les fromages. C’est d’ailleurs pourquoi les cahiers de charge de la plupart des fromages de spécialité en Europe encadrent l’alimentation des animaux. L’acide palmitique c’est la pointe de l’iceberg.

J’ai toujours été très critique, comme plusieurs de mes collègues, à utiliser le gras protégé de palme dans les rations. Le Québec a des conditions de production très différentes des États-Unis. Nous ne sommes pas traditionnellement un bassin de grandes productions de maïs, et de plus les fourrages poussent très facilement ici. On est d’ailleurs un des endroits au monde où cela pousse le mieux, en quantité et en qualité, sans irrigation.

Une vache laitière est naturellement un ruminant, elle a cette capacité de transformer les fourrages d’herbes en lait. Avec de la volonté et de bonnes techniques et des efforts, on est capable de produire du lait de façon plus économique qu’avec la technique d’alimentation américaine riche en concentrés. Avec de bonnes pratiques, le pourcentage de gras du lait augmente, rendant inutile et inefficace l’utilisation de gras protégé d’huile de palme. À utiliser notre atout que sont les fourrages, l’on se trouve à retrouver la composition naturelle en gras de celui-ci et ainsi favoriser la production en fromage fin.

L’utilisation de l’acide palmitique est malheureusement un exemple de cette uniformisation de la production qui ne tient pas compte des différences et atouts locaux. Cette uniformisation nous rend vulnérables aux marchés et nous éloigne de la véritable autosuffisance qui est d’exploiter nos ressources et nos atouts. Pire, l’on a désinvesti dans la production fourragère, et on a misé sur la production de maïs.  Ici, on préfère utiliser du gras de palme qui vient de l’autre bout du monde plutôt que d’essayer de valoriser ce qui pousse facilement dans notre cour, bizarre!

 

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *